La droite se mobilise face à ce qu’elle considère comme un «entrisme islamiste» dans le pays. À quelques jours d’écart, le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a ainsi déposé une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures dans l’espace public. Et un rapport sénatorial du même groupe politique dresse une série de recommandations comme l’interdiction du jeûne du ramadan aux moins de 16 ans. Pourquoi cette focalisation du débat sur l’islam ? Qu’est-ce que cela révèle ?
Comment vit-on quand on est musulman aujourd’hui en France ?
Pour en débattre :
– Chantal Delsol, philosophe, romancière, éditorialiste, professeure émérite de Philosophie politique et membre de l’Institut, Académie des Sciences morales et politiques. Autrice du livre, Insurrection des particularités, éditions du Cerf
– Claude Dargent, professeur à l’Université Paris 8, chercheur associé au Cevipof de Sciences Po, spécialiste des relations entre la politique et les religions.
Le débat sur l’islam en France est devenu un sujet de préoccupation majeure pour la droite politique, qui considère que l’« entrisme islamiste » constitue une menace pour les valeurs républicaines du pays. Les Républicains, un parti politique de droite, ont déposé une proposition de loi visant à interdire le port du voile aux mineures dans l’espace public, tandis qu’un rapport sénatorial du même parti recommande l’interdiction du jeûne du ramadan pour les moins de 16 ans. Cette focalisation du débat sur l’islam révèle une profonde inquiétude quant à l’intégration des musulmans dans la société française et aux conséquences potentielles de l’islamisme sur les valeurs républicaines.
Pour comprendre les raisons de cette inquiétude, il est essentiel de considérer le contexte historique et sociologique de l’islam en France. L’islam est la deuxième religion du pays, avec environ 5 millions de musulmans, soit environ 8% de la population française. La plupart des musulmans en France sont issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne, et ont souvent conservé des liens étroits avec leurs pays d’origine.
Cependant, les musulmans en France font face à des défis importants pour s’intégrer dans la société française. Selon une étude récente, 60% des musulmans en France déclarent avoir subi des discriminations, notamment dans le domaine de l’emploi et du logement. De plus, les musulmans sont surreprésentés dans les quartiers défavorisés et les banlieues, où les conditions de vie sont souvent difficiles.
La droite politique française considère que l’islamisme, qui est une idéologie politique qui cherche à appliquer les principes de l’islam à la société, constitue une menace pour les valeurs républicaines de la France, telles que la laïcité et l’égalité des sexes. Les Républicains estiment que l’islamisme est en train de gagner du terrain en France, notamment parmi les jeunes musulmans, et que cela pourrait conduire à une radicalisation de la société française.
Cependant, cette focalisation du débat sur l’islam et l’islamisme a été critiquée par de nombreux spécialistes et intellectuels, qui estiment que cela contribue à stigmatiser les musulmans et à les exclure de la société française. Selon Chantal Delsol, philosophe et éditorialiste, « la France a une tradition de laïcité qui est très forte, mais qui est également très exclusive ». Elle estime que la laïcité française est souvent utilisée pour exclure les musulmans de la société, plutôt que pour les intégrer.
Claude Dargent, professeur à l’Université Paris 8 et spécialiste des relations entre la politique et les religions, partage ce point de vue. Selon lui, « la France a une grande difficulté à accepter la diversité religieuse, et notamment l’islam ». Il estime que la focalisation du débat sur l’islam et l’islamisme contribue à créer une atmosphère de suspicion et de méfiance à l’égard des musulmans, ce qui peut avoir des conséquences négatives pour l’intégration des musulmans dans la société française.
En outre, la question de l’islam en France est souvent liée à la question de l’identité nationale. La France a une longue tradition d’identité nationale basée sur les valeurs de la Révolution française, telles que la liberté, l’égalité et la fraternité. Cependant, cette identité nationale est souvent considérée comme exclusive, et les musulmans sont souvent perçus comme des « étrangers » qui ne partagent pas les mêmes valeurs.
Pour Chantal Delsol, « la question de l’identité nationale est très importante en France, mais elle est souvent utilisée pour exclure les musulmans ». Elle estime que la France doit trouver un moyen de concilier son identité nationale avec la diversité religieuse et culturelle, plutôt que de les opposer.
En conclusion, la focalisation du débat sur l’islam en France révèle une profonde inquiétude quant à l’intégration des musulmans dans la société française et aux conséquences potentielles de l’islamisme sur les valeurs républicaines. Cependant, cette focalisation du débat contribue également à stigmatiser les musulmans et à les exclure de la société française. Il est essentiel de trouver un moyen de concilier l’identité nationale française avec la diversité religieuse et culturelle, plutôt que de les opposer. Les musulmans en France doivent être considérés comme des citoyens à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres citoyens français.
Pour y parvenir, il est nécessaire de promouvoir un dialogue ouvert et honnête entre les différentes communautés religieuses et culturelles en France, et de trouver des solutions concrètes pour lutter contre les discriminations et les inégalités qui affectent les musulmans en France. Il est également essentiel de promouvoir une éducation à la laïcité et à la diversité religieuse et culturelle, pour que les Français puissent mieux comprendre et respecter les différences entre les communautés.
Enfin, il est important de noter que la question de l’islam en France est complexe et multifacette, et qu’il n’y a pas de solution simple ou unique pour résoudre les problèmes qui se posent. Cependant, en promouvant un dialogue ouvert et honnête, en luttant contre les discriminations et les inégalités, et en promouvant une éducation à la laïcité et à la diversité religieuse et culturelle, il est possible de créer une société française plus inclusive et plus respectueuse de la diversité.
