Maire de Grigny depuis 2001 et élu «meilleur maire du monde» en 2021, Philippe Rio livre son regard sur les fractures françaises, des quartiers populaires au narcotrafic, en passant par les tensions géopolitiques et la crise des finances locales. Il répond aux questions de Frédéric Rivière.
Plan Borloo : «Une blessure profonde»
Sur l’enterrement du plan Borloo par Emmanuel Macron en 2018, l’émotion est intacte : «Quelle violence ! Quel irrespect ! Quelle irresponsabilité ! Nous avions travaillé pendant plus d’un an. J’allais trois fois par semaine à Paris dans les ministères. Ce n’est pas une simple petite phrase, c’est un grand rendez-vous manqué de la nation avec les quartiers populaires.»
Son constat : «Un oui aurait changé la donne. Le rapport de confiance entre un homme, l’État et les quartiers populaires, c’est important. On parlait de réconciliation nationale, de vivre en grand la République. Ça a été jeté à la poubelle.»
«Meilleur maire du monde» : une fierté collective
Sur ce titre reçu en 2021 : «C’est une surprise. Je suis un petit maire. J’ai fait comme les autres maires. Les territoires comme Grigny sont au ban de la République, stigmatisés négativement. Là, nous étions reconnus comme des gagnants et même les meilleurs du monde. Ça a été un grand moment de fierté.»
Le chef d’état-major : «Déplacé, terriblement dangereux»
Sur le discours du général Fabien Mandon au Congrès des maires, appelant à «accepter de perdre ses enfants», Philippe Rio s’insurge : «On a franchi une étape. Pour la première fois, un chef d’état-major demande au maire de préparer notre jeunesse à la guerre et aux sacrifices. Le 11 novembre, nous faisons des commémorations de paix. Là, de manière surréaliste, on vient nous dire de nous préparer.»
Il défend la diplomatie : «Oui, il faut de la défense nationale, mais il faut tout faire pour faire la paix. Je suis président de l’Association des maires pour la paix. La guerre, c’est la mort, la tristesse. Ceux qui en parlent le moins bien, ce sont ceux qui ne sont pas sur les champs de bataille.»
Finances locales : «82 milliards perdus»
«Nous avons perdu 82 milliards de pouvoir d’achat ces 20 dernières années», alerte le maire. «Il n’y a plus d’autonomie fiscale. Nous n’avons plus les leviers. On voit un mouvement technocratique de recentralisation.»
Il dénonce les priorités de l’État : «Un rapport sénatorial montre que la première dépense du budget de l’État, c’est l’aide aux entreprises : 211 milliards sans contrôle ni évaluation. Le concours financier aux collectivités, c’est 105 milliards. On est du simple au double.»
Sa colère : «L’État ment et change les règles du jeu constamment. On parle de mensonge d’État entre nous.»
Les maires pris en tenaille
«68% des Français font confiance à leur maire, contre 22% vis-à-vis de leur député», rappelle-t-il. Mais : «Pour la première fois, les Français demandent au maire de résoudre trois sujets : la sécurité, le pouvoir d’achat et la santé, qui sont trois éléments de politique nationale. Nous sommes pris en tenaille entre une incapacité du national à faire et une demande de résoudre les problèmes nationaux.»
Narcotrafic : «Un tsunami blanc»
Sur l’assassinat du frère d’Amine Kessaci, il appelle à l’unité : «2016 : cinq villes sur dix étaient touchées. Aujourd’hui, neuf villes sur dix. Ce tsunami blanc touche des villes de 500 habitants. Les maires ruraux vivent ça avec beaucoup d’effroi.»
Son accusation : «Il n’y a pas eu le courage politique au plus haut sommet de l’État. Ce ne sont pas uniquement les maires qui le disent, ce sont des journalistes, des documentaristes, des militants associatifs comme Amine Kessaci.»
Les solutions existent : «Toutes les solutions sont dans le livre d’Amine Kessaci. Avons-nous une stratégie de prévention ? Non. Une stratégie de santé publique ? Non. Des outils pour le blanchiment d’argent ? Non. Tous les sujets sont maîtrisés. Il manque juste de la volonté.»
Le maire de Grigny, Philippe Rio, a partagé son point de vue sur les fractures françaises, notamment dans les quartiers populaires, la sécurité, les finances locales et les tensions géopolitiques. Il a exprimé son émotion et sa déception quant à l’enterrement du plan Borloo en 2018 par Emmanuel Macron, qui aurait pu changer la donne pour les quartiers populaires.
Rio a souligné que les maires sont pris en tenaille entre l’incapacité de l’État à résoudre les problèmes nationaux et la demande croissante des citoyens pour que les maires prennent en charge ces problèmes. Il a également dénoncé les priorités de l’État, notamment l’aide aux entreprises, qui représente 211 milliards d’euros, contre 105 milliards pour les collectivités locales.
En ce qui concerne la sécurité, Rio a condamné l’assassinat du frère d’Amine Kessaci et a appelé à l’unité pour lutter contre le narcotrafic, qui touche désormais neuf villes sur dix en France. Il a accusé l’État de ne pas avoir eu le courage politique pour s’attaquer à ce problème et a souligné que les solutions existent, mais qu’il manque de la volonté pour les mettre en œuvre.
Rio a également critiqué le discours du général Fabien Mandon, qui a appelé à accepter de perdre des enfants pour la guerre, et a défendu la diplomatie et la paix. Il a rappelé que les maires sont les mieux placés pour comprendre les besoins des citoyens et que les collectivités locales ont perdu 82 milliards de pouvoir d’achat ces 20 dernières années.
Enfin, Rio a exprimé sa fierté d’avoir reçu le titre de « meilleur maire du monde » en 2021, qui est un grand moment de reconnaissance pour les territoires comme Grigny, souvent stigmatisés négativement. Il a souligné que les maires doivent travailler ensemble pour résoudre les problèmes nationaux et que la confiance entre les citoyens et les maires est essentielle pour avancer.
Voici les points clés de l’interview :
* Le plan Borloo a été enterré en 2018, ce qui a été une grande déception pour les quartiers populaires.
* Les maires sont pris en tenaille entre l’incapacité de l’État et la demande des citoyens.
* L’État a des priorités qui ne correspondent pas aux besoins des collectivités locales.
* Le narcotrafic est un problème qui touche désormais neuf villes sur dix en France.
* Les solutions pour lutter contre le narcotrafic existent, mais il manque de la volonté pour les mettre en œuvre.
* La diplomatie et la paix sont essentielles pour résoudre les conflits.
* Les collectivités locales ont perdu 82 milliards de pouvoir d’achat ces 20 dernières années.
* La confiance entre les citoyens et les maires est essentielle pour avancer.
En conclusion, Philippe Rio a exprimé son point de vue sur les fractures françaises et a souligné l’importance de la confiance entre les citoyens et les maires pour résoudre les problèmes nationaux. Il a également critiqué les priorités de l’État et a appelé à une nouvelle politique pour les quartiers populaires et la sécurité. Enfin, il a défendu la diplomatie et la paix pour résoudre les conflits et a rappelé que les solutions pour lutter contre le narcotrafic existent, mais qu’il manque de la volonté pour les mettre en œuvre.
